La course aux compétences ESG s’essouffle dans l’asset management
Les postes pour répondre aux exigences réglementaires sont désormais couverts.
Les profils extra-financiers sont-ils passés de mode dans les sociétés de gestion ? Début mai, HSBC a annoncé le départ d’Erin Leonard, la directrice mondiale de la durabilité de sa filiale d’asset management, et son poste ne sera pas remplacé. Ses responsabilités seront réparties entre les autres directions, précise la banque britannique.
Dans l’univers de la gestion d’actifs, l’heure n’est en effet plus aux grandes vagues d’embauches d’experts des problématiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Y compris en France. « Depuis 2023, les recrutements sont très ralentis, confirme Alain Kayayan, recruteur spécialisé dans le secteur financier chez Vendôme-Associés. La tendance est à la rationalisation des effectifs : on peut estimer que pour trois départs, seuls deux sont remplacés. »
Les vents contraires qu’affronte depuis de longs mois la finance durable n’y sont pas étrangers. « Le ralentissement des recrutements est le résultat d’un mouvement anti-ESG bien réel, mais il est aussi, plus généralement, le reflet d’un environnement des affaires devenu très incertain », nuance Caroline Renoux, fondatrice du cabinet de recrutement spécialisé en RSE Birdeo, qui constate ce trou d’air surtout depuis un an.
Modération des dépenses
L’arrivée de Donald Trump au pouvoir n’a fait que renforcer le phénomène. « Dans cette période bousculée, s’installe une forme de prudence qui se traduit par une modération des dépenses, dont celles liées à l’ESG », renchérit Xavier Leroy, responsable de l’activité conseil et solutions d’EthiFinance.
Le mouvement marquerait surtout la fin d’un cycle. « Les postes ouverts pour satisfaire les contraintes réglementaires sont désormais pourvus et les sociétés de gestion ont ponctuellement moins de besoins », analyse Alain Kayayan.
Après la phase de mise en œuvre des projets structurants, l’heure est désormais à la gestion du quotidien, avec des tâches qui peuvent être réparties sur des équipes non spécialistes. Voire externalisées. « Une quarantaine de sociétés de gestion nous confient leur campagne d’évaluation extra-financière annuelle pour leurs portefeuilles de participations non cotées et une quinzaine d’autres, leur reporting ESG et climat », témoigne Xavier Leroy.
Pour que les embauches en interne repartent – comme l’anticipent les recruteurs -, une revalorisation des métiers pourrait s’avérer nécessaire. « Avec l’essor du reporting, les professionnels de l’ESG ont eu tendance à s’éloigner de l’enjeu stratégique de l’accompagnement de la transition, avance Caroline Renoux. Il faut désormais parvenir à démontrer qu’ils ne sont pas qu’un centre de coûts et qu’ils créent de la valeur ajoutée. » Un retour aux fondamentaux après une parenthèse dorée.
Séverine Leboucher
Les Echos – Publié le 3 juin 2025
La course aux compétences ESG s’essouffle dans l’asset management | Les Echos