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M&A, les attentes de la génération montante

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Avec la reprise des fusions-acquisitions, les banquiers d’affaires trentenaires sont à nouveau très recherchés.

Par Soraya Haquani le 29/01/2015 pour L’AGEFI Hebdo

Les banquiers d’affaires parisiens ont tourné la page de la crise. « J’ai commencé ce métier juste avant la faillite de Lehman Brothers. Le contexte post-Lehman était mauvais, les transactions dures à réaliser », se souvient Charles de Fels, vice president (VP) chez Lincoln International, boutique spécialisée dans les fusions-acquisitions (M&A) de 25 collaborateurs à Paris, qu’il a rejointe en mai 2008. Comme nombre de professionnels de sa génération, il n’a pas connu les années les plus fastes du M&A en 2006 et 2007. « On commence progressivement à retrouver des conditions de marché favorables aux transactions, se réjouit ce jeune banquier de 33 ans. La reprise se traduit à travers les sollicitations des chasseurs de têtes, pour rejoindre de grandes banques en ‘large caps’ notamment. » De fait, la chasse aux talents a repris. Danielle Nassif, responsable des services financiers du groupe de conseil en recrutement Kienbaum Consultants International, en témoigne : « Le marché de l’emploi dans le M&A a commencé à s’animer fin 2013, avec une tension sur tous les profils juniors et de niveau intermédiaire. Les VP et les jeunes directeurs sont particulièrement au centre des attentions. »

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Mobilités

Dans ce métier très normé où l’on gravit différents grades (analyste, associate, VP, director, managing director), les banquiers trentenaires, qui ont entre trois et neuf ans d’expérience, « sont à un moment clé de leur carrière, poursuit Jérôme Hacquard, associé gérant au cabinet de chasse de têtes Singer & Hamilton. Ils doivent se demander s’ils ont envie de continuer dans leur métier ou de se réorienter. Certains rejoignent de grands ‘corporates’, d’autres peuvent devenir directeur financier dans de grosses PME… ». Après quelques années au sein d’une boutique renommée, Hervé*, la trentaine, a décidé de rejoindre un groupe bancaire, toujours en M&A. « On m’a proposé un projet enthousiasmant : j’ai dit oui, confie-t-il. Comme les embauches ont été à l’arrêt pendant la crise, beaucoup d’établissements souffrent d’un manque de ressources dans ma classe d’âge et d’expérience (entre trois et neuf ans). Les mobilités vont s’accélérer, c’est certain. » D’autant que les rémunérations, elles aussi, repartent à la hausse. « On arrive désormais à rattraper la correction dont on avait pâti pendant la crise, explique Hervé. Un signal est très emblématique : les bonus versés cette année par deux banques qui sont des références du M&A ont été stratosphériques, avec des primes multipliées par deux. Certains banquiers ont même été promus en sautant un grade ! » Quant aux salaires, ils figurent parmi les plus attractifs dans les métiers de la finance. Pour un associate (trois à six ans d’expérience), le fixe se situe entre 70.000 euros et 100.000 euros, tandis qu’un VP (six à neuf ans) émarge à 100.000 euros-140.000 euros, selon les chiffres de Robert Half Financial Services.

Un métier très exigeant

Si les profils issus des grandes écoles sont très prisés dans cette profession, ils ne garantissent pas les compétences. « Les meilleurs pedigrees académiques ne font pas forcément les meilleurs banquiers, prévient Isabelle Xoual, associé gérant chez Lazard et en charge des questions RH. Ce métier exige le goût de l’effort, de l’autonomie, de la détermination, des ‘soft skills’ pour bien anticiper les besoins des clients. » Après quelques années d’expérience, les « compétences douces » deviennent en effet indispensables aux côtés des aptitudes techniques et purement financières. « L’aisance dans les relations humaines est primordiale dans le conseil en fusions-acquisitions, rappelle Romain Massiah, 34 ans, senior vice president chez Easton Corporate Finance. Le banquier conseil est en interaction permanente avec tout un écosystème d’intervenants de haut niveau : le client, les autres conseils de l’opération (avocats, notaires, auditeurs…), les acquéreurs potentiels, etc. Depuis la chute de Lehman en 2008, les transactions sont beaucoup plus longues à finaliser, on passe beaucoup de temps avec les clients, on consolide notre rapport de confiance. L’aspect psychologie occupe une place de plus en plus importante dans la relation client. » En outre, pour les banquiers âgés d’une trentaine d’années, l’approche commerciale est de plus en plus présente au quotidien. « Aujourd’hui, mon travail se situe principalement dans l’interaction avec le client, je participe à la démarche commerciale avec les associés et je prends en charge la gestion des projets », décrit Vincent Thillaud, 34 ans, directeur dans l’équipe généraliste de Lazard, qui l’a embauché en 2005 à sa sortie de HEC. D’ailleurs, les banques soignent la formation pour développer les compétences de leurs équipes. « En 2014, j’ai bénéficié durant plusieurs mois d’un coaching individuel avec une consultante sur la prise de parole en public et les techniques de négociation », raconte Vincent Thillaud. Si beaucoup de professionnels de cette génération de trentenaires ont envie de poursuivre leur carrière dans le M&A, ils reconnaissent certaines contraintes. « Une journée classique est de douze, treize heures. Cela peut aller jusqu’à quinze, seize heures, en fonction du nombre de dossiers », glisse un VP. « C’est un métier passionnant mais qui demande un énorme investissement personnel, les journées de travail peuvent être très longues et il arrive qu’elles se poursuivent le week-end… Il faut être très impliqué et très motivé », admet Romain Massiah. « Lorsque je rencontre des jeunes diplômés en entretien, je les avertis toujours sur l’exigence de ce métier, qu’il faut mettre un peu de côté sa vie personnelle », ajoute de son côté Vincent Thillaud. Un autre banquier soupire : « Les week-ends durant lesquels je ne travaille pas n’existent plus. Ce qui est difficile, c’est l’incertitude des horaires, l’angoisse du vendredi soir où l’on se demande ce qui va nous tomber dessus. » Mais la crise a favorisé la prise en compte d’un sujet inédit dans ce milieu feutré : celui de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. « Nous y faisons attention, même si dans notre métier, la gestion des RTT, des congés… peut être délicate », avertit Isabelle Xoual de Lazard. « La chute des bonus a enclenché un changement de culture car il a fallu motiver les gens autrement, observe Hervé. On nous incite à prendre nos vacances, à poser des jours pour faire des ‘breaks’. »

Baisse de prestige

La qualité de vie au travail est devenue un enjeu déterminant pour l’attraction et la rétention des jeunes talents… qui ne regardent plus les fusions-acquisitions avec la même convoitise que leurs aînés. « Le M&A n’a plus le même prestige que par le passé. J’ai vu d’excellents stagiaires refuser des postes à cause du rythme, des horaires. C’est le gros point noir de notre profession », rapporte Martin* qui exerce au sein d’une boutique. « On voit moins de jeunes candidats de qualité, regrette un recruteur. Des métiers tout récents, dans le secteur des technologies notamment, attirent davantage. D’autant que les rémunérations peuvent être très avantageuses, avec moins de sacrifices dans la vie privée. » Dans une activité où la réactivité est essentielle, les nouvelles technologies bouleversent les habitudes des banquiers d’affaires. « Gérer les e-mails à distance, durant mes déplacements, me connecter de l’extérieur à mon PC, cela a changé ma vie », souligne ce banquier de plus de dix ans d’expérience qui, à ses débuts, revenait les samedis et dimanches à son bureau pour vérifier ses e-mails. Cependant, le besoin de confidentialité incite souvent les spécialistes du M&A à traiter leurs dossiers depuis leur lieu de travail. « Ma banque m’a donné un iPad configuré et sécurisé, je suis un jeune papa et partir tôt n’est plus un problème, indique Hervé. Mais c’est loin d’être le cas ailleurs ! Aujourd’hui, le défi est de fournir des outils technologiques mobiles et rapides, tout en préservant la confidentialité. C’est vraiment une nécessité. »

*Certains prénoms ont été changés afin de préserver l’anonymat des personnes.

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